
La trêve n’aura été que de courte durée. Alors que le pays est en proie a une explosion du nombre de cas de coronavirus et s’apprête à vivre une rentrée des plus difficiles, le gouvernement s’agite en coulisses au sujet de la réforme des retraites.
Si depuis sa nomination à Matignon, Jean Castex répète à l’envi que la concertation concernant cette réforme reprendrait avec une « nouvelle méthode », la volonté de Matignon et de L’Élysée de mener à terme cette réforme semble intacte.
Le rapport que le premier ministre vient de commander au Conseil d’Orientation des Retraites (COR) pour établir un point sur la situation financière des retraites vient conforter cette hypothèse.
Depuis le dernier rapport complet du COR qui date de Novembre 2019, la situation s’est considérablement dégradée. Une première estimation réalisée au mois de juin dernier fait état d’un déficit approchant les 30 Milliards d’Euros en 2020.
Politiquement, la réforme des retraites, la « mère des réformes » comme on se plait à la baptiser au sein du gouvernement, représente un choix Cornélien pour le futur candidat Macron. Renoncer à cette promesse de campagne au risque d’écorner l’image de réformateur qu’il voulait se donner? Passer en force, en s’appuyant sur une situation financière catastrophique des retraites, avec la certitude de se diriger vers une rentrée sociale explosive? Ou encore adopter une réforme vidée de sa substance pour sauver les apparences. Il ne semble pas y avoir d’issue plus séduisante qu’une autre d’un point de vue politique.
Du point de vue des professionnels de santé, et plus particulièrement des kinésithérapeutes, la crise sanitaire a été riche en enseignements, notamment concernant l’indexation de la valeur d’acquisition et la valeur de service du point. Actuellement, ces deux valeurs sont indexées sur l’inflation, or, l’article 9 du projet de loi instaurant un système universel de retraite envisage de les indexer sur l’évolution du revenu d’activité moyen par tête.
Si elle avait été en vigueur pendant la crise, cette mesure qui était présentée comme la garantie que le point ne pouvait pas baisser, aurait impacté négativement le niveau futur des pensions qui nous seront servies en faisant chuter la valeur du point.
L’examen de l’histoire récente nous apprend que les crises de notre système économique, liées ou non à des crises sanitaires comme celle que nous sommes en train de traverser, sont malheureusement des incidents inéluctables qui sont amenés à se reproduire de façon cyclique.
Ces crises économiques ont immanquablement une incidence sur le revenu d’activité moyen par tête ce qui nous conforte dans l’idée que les valeurs d’acquisition ou de service du point devraient restées indexées sur l’inflation.
L’article 9 prévoit également que le taux de cette indexation peut être modifié par décret. Le gouvernement aurait la possibilité en dernier recours d’intervenir sur ce taux. Le risque que la valeur du point serve de variable d’ajustement en cas de crise économique importante n’est pas à exclure.
Cependant, ce paramètre n’est pas le seul point qui nous conduit à demander aujourd’hui une annulation pure et simple de cette réforme :
- Le montant de nos futures retraites impossible à évaluer du fait de l’adoption par le gouvernement d’hypothèses de calcul exagérément avantageuses pour le système de retraite universel,
- Une participation de notre profession à la gouvernance de ce futur système mal définie et très certainement diluée parmi d’autres professions à l’effectif nettement plus fourni,
- La compensation de la hausse des cotisations de retraite par une baisse des cotisations CSG aura un impact lourd sur les comptes de la sécurité sociale en amputant considérablement ses ressources. Autant dire que dans ce contexte nous ne sommes pas prêt de voir évoluer nos honoraires à un niveau qui qui correspond à nos compétences.
Les différentes simulations réalisées à partir des hypothèses et des solutions retenues par le gouvernement ne sont tout simplement pas acceptables.
Aussi, nous ne manquerons pas de reprendre notre bâton de pèlerin pour alerter les responsables politiques et l’opinion publique, et continuer à informer les kinésithérapeutes des dangers liés à l’adoption de ce texte. Les professionnels libéraux ont, malgré une importante contribution au titre de la solidarité nationale, un système de retraite qui fonctionne. Nous ne laisserons pas sacrifier cela au nom d’une réforme qui fera une majorité de perdants.