
Comment contester l’engagement national annoncé : « être soigné quels que soient son âge, son sexe ou son revenu » ? Ainsi, les objectifs poursuivis seraient de réaffirmer le socle de notre démocratie sociale depuis toujours pilier de notre système de santé.
La recherche de l’efficience et de la qualité des soins, la garantie de l’accessibilité au soin sur l’ensemble du territoire et l’amélioration de la coopération entre les différents acteurs seraient les guides de l’évolution d’un système mis à mal par le vieillissement de la population, l’explosion des maladies chroniques et le retard d’intégration des nouvelles technologies.
Il n’empêche que si l’ensemble des acteurs de la santé semblent adhérer à la nécessité d’une reforme de grande ampleur, les mesures présentées par le gouvernement soulèvent plus de question qu’elles n’apportent de réponses. La Stratégie de Transformation se révèle être dans la lignée des politiques initiées depuis plus de 10 ans. Les annonces du plan « Ma santé 2022 » se voulaient ambitieuses mais les moyens mis en regard semblent largement insuffisants. Le passage de l’ONDAM de 2,3% à 2,5% reste dérisoire quant à l’évolution des dépenses liées naturellement au vieillissement de la population et à l’expansion des maladies chroniques. Le succès du plan va donc reposer sur les efforts demandés aux professionnels de santé.
La première question qui se pose à la lecture des différentes mesures médico-centrées, est la place que le gouvernement accorde aux professions paramédicales. Si l’intention de « décloisonner » était attendue de tous, la place des paramédicaux dans le parcours de soin reste une énigme. Alors que l’expérience internationale montre que les kinésithérapeutes tiennent un rôle central dans les domaines de la prévention et des soins également en accès direct. En France, toute cela reste encore à définir ! Quelles seront les compétences accordées en pratiques avancées ? Le rôle des Kinésithérapeutes dans le désengorgement des services d’urgence? Dans la prévention des maladies chroniques ? Dans la prévention et le dépistage des troubles du neurodéveloppement et déformations de l’enfant ? Dans la prévention de la perte d’autonomie du sujet âgé ? Dans la prévention des risques liés aux pratiques professionnelles ? La liste est encore longue de l’ensemble des domaines dans lesquels nos compétences sont sous-utilisées !
Concernant la formation initiale et la fin du numérus clausus : ces mesures concernent-elles seulement les études médicales ou bien seront-elles étendues aux autres professions de santé ? L’universitarisation de notre filière s’accompagnera-t-elle prochainement d’un alignement des coûts de formation sur ceux pratiqués dans les autres cursus universitaires ? Il est difficile de juger de la pertinence des propositions sans réponses précises à ces questions. Quand les kinésithérapeutes obtiendront-ils la validation du grade master ?
Si nous sommes favorables à une dynamique de collaboration entre les professionnels libéraux, mais également tout au long du parcours de soin Ville-Hôpital, la place des kinésithérapeutes au sein des CPTS, les missions et les moyens mis à disposition pour réussir ces collaborations doivent être précisés. Il ne faudra pas que cette réforme corresponde dans les faits à une mise sous tutelle par les GHT et les ARS , ni à une explosion de la charge et du temps administratif pour les professionnels concernés.
Nous avons également de multiples questions sur la refonte de la NGAP qui s’annonce encore plus descriptive. Alizé rappelle la nécessité, afin de mettre un terme aux litiges d’interprétation incessants entre les kinésithérapeutes et les CPAM, de dissocier la codification du contenu de la séance de la codification tarifaire qui, elle, doit être simplifiée. Par ailleurs, nombreuses sont les séances effectuées quotidiennement par nos confrères qui contiennent déjà des actes de prévention et d’éducation thérapeutique non pris en compte par l’actuelle nomenclature. Il est nécessaire que cette refonte de la NGAP donne enfin un cadre conventionnel à ce travail avec des cotations dédiées aux actes de prévention. Il est également urgent de créer une cotation permettant également de donner un cadre conventionnel à la possibilité de recevoir, dans le cadre de l’urgence, un patient en première intention.
On note également l’absence de mesures destinées à améliorer l’attractivité de l’exercice salarié. Les kinésithérapeutes ne sont même plus cités dans la liste des professions de santé à l’hôpital. comment assurer la continuité du parcours de soin si cet exercice souvent spécialisé n’est plus assuré faute de revalorisation. Il devient urgent que le parcours professionnel des kinésithérapeutes salariés soit valorisé et que les diplômes universitaires soient également pris en compte dans le déroulé de leur carrière.
Si la création de forfaits rémunérant les soins qui répondent aux objectifs prioritaires de santé publique est pertinente, la généralisation de la forfaitisation et, notamment, le paiement à l’épisode de soin qui voudrait que les professionnels se partagent une enveloppe définie par pathologie, ne nous semble pas adapté à l’exercice libéral. Ainsi la gestion de cette enveloppe pourrait de nature alimenter des conflits pluri-professionnels en dehors de l’intérêt souverain du patient.
L’inscription dans la démarche qualité de la santé en ville peut être positive à condition d’apporter un cadre à cette démarche qui assure l’absence de conflit d’intérêts concernant les organismes qui évaluent les critères qualité. La formation continue dans le carde de l’ANDPC devra faire l’objet d’une attention particulière tant la présence au catalogue de certaines formations surprend.
En l’état, ce plan n’est pas à la hauteur des attentes de la profession. Les professions paramédicales sont les grandes oubliées d’un plan qui ambitionnait d’améliorer la coopération entre les différents acteurs du soin. Ce plan aurait pu permettre de répondre à plusieurs des revendications portées par la profession le 5 juillet. A ce stade ce n’est pas le cas. Une réforme en profondeur ne peut se concevoir que dans le cadre d’une véritable collaboration entre professions de santé et par l’obtention de moyens spécifiques à chacune d’entre elles.
« Ma santé 2022 » n’est aujourd’hui qu’un plan de communication qui ne semble satisfaire que le monde médical. Nous ferons preuve de la plus grande vigilance dans le suivi de l’élaboration de la Loi de Santé 2019 qui viendra concrétiser la transposition de ce plan dans la réalité de nos exercices.
Des contacts sont en cours avec les syndicats d’autres professions, et en particulier nos collègues IDE, afin de préparer un mouvement pluri-professionnel qui ne manquera pas de voir le jour si la voix de tous les acteurs de soin n’est pas prise en compte.
Plus combatifs que résignés, les kinésithérapeutes vont continuer à se mobiliser pour défendre une kinesitherapie efficiente au service de la santé des patients.