
Le Décret n° 2020-1215 du 2 octobre 2020 relatif à « la procédure applicable aux refus de soins discriminatoires et aux dépassements d’honoraires abusifs ou illégaux » définit un cadre à l’application de sanctions en cas de dépassements d’honoraires abusifs et de refus de soins discriminatoires.
Il en ressort pour le professionnel de santé que « Peut faire l’objet de sanctions (…) la pratique des dépassements d’honoraires excédant le tact et la mesure. Le respect du tact et de la mesure s’apprécie notamment, dans le cadre du présent article, au regard de la prise en compte dans la fixation des honoraires de la complexité de l’acte réalisé et du temps consacré, du service rendu au patient, de la notoriété du praticien, du pourcentage d’actes avec dépassement ou du montant moyen de dépassement pratiqués, pour une activité comparable, par les professionnels de santé exerçant dans le même département ou dans la même région administrative »
Ce passage du décret permet donc au kinésithérapeute de moduler sa tarification en fonction d’un certain nombre de paramètres afin d’être en mesure d’honorer ses charges dont notamment son loyer ou son crédit qui peut être exorbitant dans certaines zones comme Paris ou certaines grandes villes de province.
Mais il définit surtout les sanctions qui peuvent découler de ces pratiques !
On notera que ce décret prend en compte des critères plus larges que ceux définis par la convention nationale des kinésithérapeutes qui est beaucoup plus restrictive :
« Le masseur-kinésithérapeute s’interdit tout dépassement en dehors des cas ci-après : circonstances exceptionnelles de temps ou de lieu dues à une exigence particulière du malade, telles que soins donnés à heure fixe ou en dehors de l’horaire normal d’activité du masseur-kinésithérapeute, déplacement anormal imposé au masseur-kinésithérapeute à la suite du choix par le malade d’un masseur-kinésithérapeute éloigné de sa résidence, etc. En cas de dépassement de tarifs, le masseur-kinésithérapeute fixe ses honoraires avec tact et mesure et indique le montant perçu sur la feuille de soins, ainsi que le motif (DE). Les parties signataires s’engagent à mettre en œuvre les moyens de contrôle nécessaires à l’application du tact et de la mesure dans la fixation du DE et du bon usage de celui-ci. »
La tendance actuelle indique une volonté de plus en plus grande du gouvernement de prendre en compte les spécificités locales dans les prises de décision (ARS,URPS,CPTS). La disparité des territoires français, en métropole et dans les DOM TOM, doit être prise en compte afin que les kinés puissent vivre décemment de leur travail indépendamment de leur lieu d’exercice. Chaque territoire, chaque département a ses spécificités ; il est nécessaire de les prendre en compte pour appréhender correctement chaque situation.
Il est bien évident qu’il est nécessaire de préserver l’accès aux soins et de protéger les intérêts du patient. Le décret du 2 octobre y contribue en précisant un peu « le tact et la mesure » dont doit user le professionnel de santé.
Il ne faudrait pas que ce décret conduise à l’émergence de nouveaux déserts médicaux en mettant en péril l’équilibre économique des professionnels de santé exerçant dans les secteurs où la pression du foncier est importante. Ce serait une nouvelle fois le patient qui pâtirait de cette situation.
Espérons que ce décret permette de limiter les dépassements d’honoraires abusifs sans remettre en question la pratique raisonnée de ceux-ci qui bien souvent est une condition sine qua non pour le maintien de l’équilibre économique de l’exercice libéral de la kinésithérapie.
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